Papa Wemba : « La rumba n’attrapera jamais de rides »

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Le chanteur congolais Jules Shungu Wembadio, dit Papa Wemba, est considéré comme l’un des artistes ayant assuré la promotion de la rumba dans le monde. L’homme aux qualités artistiques exceptionnelles, le « Formateur des idoles », comme on le surnomme, a accepté de répondre aux questions de notre correspondant en France, Robert Kongo, pour parler de son double album intitulé « Maître d’école » et de l’état de la rumba aujourd’hui.

Votre double album, « Maître d’école », est sorti depuis le 20 juin dernier. Comment se porte-t-il sur le marché du disque ?

Papa Wemba : C’est encore un bébé qui n’a que trois mois. Il faut lui laisser le temps de grandir. Je crois qu’il va marquer son temps car j’y ai mis mon cœur, mon énergie et tout mon professionnalisme. Toute l’équipe, qui a participé à sa réalisation, a fait un travail remarquable. C’est un double album, avec 25 chansons. Nous y avons travaillé pendant deux ans. Il faut le faire. Et pour le faire, il faut s’appeler Maître d’école !

Pourquoi ce titre « Maître d’école » ?

Papa Wemba : Il y a près de trois décennies et demi, j’ai fondé une institution qui s’appelle Viva La Musica. De cette institution est née de nombreux artistes musiciens qui font aujourd’hui la fierté de la musique congolaise dans le monde. Et ça, c’est grâce à Papa Wemba et au village Molokaï. C’est pourquoi j’ai décidé de me donner le nom du maître de cette institution. Personne, je crois, ne me démentira.

Et vous l’avez sous-titré « Rumba na Rumba »…

Papa Wemba : Parce que, c’est le genre musical que nous pratiquons et que nous défendons. La rumba n’attrapera jamais de rides. Elle a existé hier, elle existe  aujourd’hui et elle existera demain. Rumba un jour, rumba toujours !

Toutes les chansons de ce double album sont rythmées par la rumba ?

Papa Wemba : La plupart, oui. Mais j’ai tenu aussi à jouer certains genres musicaux que j’aime bien. C’est une petite balade musicale pour l’artiste que je suis.

D’aucuns disent que la rumba congolaise est malade. Qu’en pensez-vous ?

Papa Wemba : Non, ce n’est pas vrai. Souvenez-vous, il y a trois ou quatre ans, lorsque dix-sept pays africains avaient commémoré le cinquantenaire de leur indépendance, l’unique chanson pour agrémenter toutes ces festivités était congolaise. N’ayons pas la mémoire courte. Cela m’étonne toujours quand j’entends dire que la rumba est malade ! Certes, notre musique souffre du manque d’infrastructures pour se développer et s’imposer sur le plan international. C’est un défi auquel il faut répondre. Mais ce ne sont pas les talents qui manquent. Je le répète, la rumba n’attrapera jamais de rides.

rumba

Selon vous, la rumba congolaise remplie-t-elle encore sa fonction sociale de distraire sainement les mélomanes ou a-t-elle perdu le nord, c’est-à-dire qu’elle n’est plus la gardienne des bonnes mœurs et coutumes congolaises ?

Papa Wemba : Aujourd’hui, certaines personnes font seulement attention aux dédicaces et à tout ce qui semble dénaturer la rumba. Mais le message véhiculé à travers cette musique est également important. Depuis des générations, le message est resté le même. La rumba d’hier et celle d’aujourd’hui véhiculent le même message, celui de l’amour. C’est le thème que nous, artistes musiciens congolais, exploitons le mieux. Il ne s’agit pas forcément de l’amour charnel, mais de l’amour au plein sens du terme. Mais de là à dire que nous travaillons à la dépravation des mœurs, c’est faux.

Comment définiriez-vous la rumba congolaise d’aujourd’hui ?

Papa Wemba : La rumba d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier. Ce n’est pas la même époque avec tout ce que cela implique comme changement. Nous sommes à l’ère de la modernité et les nouvelles technologies ont beaucoup influencé notre musique. La rumba a donc été modernisée. Néanmoins, si la rumba a connu plusieurs variantes à différentes époques, les fondamentaux du rythme restent les mêmes. L’originalité de notre musique a été conservée et nous savons encore exploiter intelligemment la matière que nous ont léguée nos « vieux ». C’est ça le plus important.

Jossart Nyoka Longo, J.B. Mpiana, Barbara Kanam et Nana Kouyaté ont participé à la réalisation de « Maitre d’école ». Qu’est-ce qui justifie ce casting ?

Papa Wemba : C’est un choix délibéré de ma part. D’ailleurs, je salue toutes les personnes qui sont venues prêter main forte à la réalisation de ce double album. Ils m’ont beaucoup apporté en matière musicale car ils ont du savoir-faire, des belles voix, du courage et m’ont sincèrement soutenu dans cette entreprise. Je leur en remercie vivement. C’est comme cela que les artistes musiciens congolais doivent travailler. Evitons les polémiques parce que cela ne rime à rien.

Pensez-vous encore redonner des concerts en Europe un jour ?

Papa Wemba : Bien sûr que oui ! Chaque chose a un début et une fin. Et cette interdiction prendra fin un jour. Les « combattants » ne sont pas les ennemis des artistes musiciens. Ce sont nos frères et sœurs. Nous sommes tous des Congolais, fils et filles de la RDC. Il est temps que nous fumions le calumet de la paix. Moi je dis, cultivons la paix, l’amour et l’harmonie en nous et dans notre environnement. Alors, nous en sortirons grandis.

Le 9 août 2014, une date mémorable pour le couple Shungu Wembadio et Luzolo Marie-Rose…

Papa Wemba : Cette date restera gravée dans nos cœurs à jamais. Finalement, mon épouse et moi réalisons aujourd’hui que Dieu nous a fait l’un pour l’autre. Quarante-quatre ans de vie commune, ce n’est pas peu ! Nous rendons grâce à Dieu pour sa bénédiction. Je tiens à remercier ici le Premier ministre, Matata Ponyo, qui est   venu assister au service religieux organisé à l’Eglise, et y est resté pendant trois heures. Merci au chef de l’Etat, Joseph Kabila, qui a envoyé son représentant à cette cérémonie, ainsi qu’à tous nos invités présents ce jour-là, notamment les autorités de la République du Congo, les autorités de la ville de Kinshasa, les collègues artistes-musiciens, les amis, la famille… Encore une fois, j’embrasse mon épouse, Marie-Rose, et je lui dis que je l’aime et je l’aimerai toujours.

Propos recueillis par Robert Kongo, correspondant en France

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